fr
fr en
fr
fr en
AccueilLe CabinetActualitésPertes de gains professionnels futurs : la Cour de cassation précise les conditions d’indemnisation
07/07/2025

Pertes de gains professionnels futurs : la Cour de cassation précise les conditions d’indemnisation

Pertes de gains professionnels futurs : la Cour de cassation précise les conditions d’indemnisation Pertes de gains professionnels futurs : la Cour de cassation précise les conditions d’indemnisation

Rédigé par Maître Quentin Mugnier, avocat associé – Mermet & Associés

Vous êtes victime d’un accident ou d’une agression, et votre état de santé vous empêche de reprendre votre activité ? Vous avez droit à l’indemnisation de vos pertes de gains professionnels futurs (PGPF). Mais la jurisprudence récente impose des conditions nouvelles et plus strictes. Le cabinet Mermet & Associés vous éclaire sur vos droits.

🔎 Sommaire


En matière de dommage corporel, la perte de gains professionnels futurs (PGPF) constitue l’un des postes d’indemnisation les plus débattus, tant par les assureurs que par les avocats de victimes. En 2024-2025, la Cour de cassation et le Conseil d’État semblent désormais imposer strictement à la victime de démontrer une impossibilité totale d’exercer toute activité professionnelle procurant des revenus pour prétendre à une indemnisation intégrale des PGPF. Cette évolution complexifie la défense des droits des victimes et impose de nouvelles stratégies probatoires. Ce courant jurisprudentiel marque-t-il la fin du principe de non-mitigation, qui interdisait jusqu’ici de reprocher à la victime l’absence de recherches ou de reclassement ? Comment la preuve de l’« inemployabilité » doit-elle être rapportée ? Que retenir de la récente jurisprudence ? Décryptage complet.


1. Rappel du cadre juridique et principes fondamentaux

Le poste PGPF vise à réparer la perte de revenus professionnels futurs consécutive à un accident ou une agression. La réparation intégrale (art. 1240 C. civ.) impose d’indemniser tout le préjudice, sans profit ni perte pour la victime. De longue date, la jurisprudence exclu d’imposer à la victime de réduire son dommage (« non-mitigation »). Certains arrêts récents semblent pourtant renoncer à appliquer ce principe au poste de PGPF. Il convient de combattre cette tendance devant les juridictions, d’acter l’existence de ce nouveau flou jurisprudentiel, et de fournir au juge tous les éléments concrets pour une indemnisation en rapport avec la réalité du dossier — bien souvent, l’absence de possibilité effective de retrouver un emploi.

Conseil d’avocat : Dès le stade de l’expertise, insistez sur la réalité des difficultés de reclassement et la nature concrète des obstacles à toute reprise d’activité. La capacité résiduelle ne doit pas être surestimée au détriment de l’indemnisation intégrale.
  • Principe : seule l’impossibilité totale d’exercer une activité rémunérée ouvre droit à indemnisation intégrale des PGPF (Civ. 2e, 7 nov. 2024, n° 23-12.243).
  • Autonomie du classement : le classement en invalidité (2e catégorie) par la Sécurité sociale ne suffit plus à établir cette impossibilité (Civ. 2e, 3 avr. 2025, n° 23-19.227).

2. Les arrêts récents majeurs et leur portée

  • Civ. 2e, 7 nov. 2024 (n° 23-12.243) : censure l’indemnisation intégrale si la victime conserve une capacité de travail même partielle. Il faut rechercher concrètement si elle est définitivement empêchée d’exercer une quelconque activité rémunérée.
  • CE, 4 avr. 2025 (n° 476619) : l’appréciation de l’aptitude doit tenir compte du niveau de formation, de l’âge, des qualifications, de la nature du handicap, du bassin d’emploi…
  • Civ. 2e, 3 avr. 2025 (n° 23-19.227) : l’impossibilité de retrouver un emploi ne peut se déduire du seul classement en invalidité 2e catégorie. Il faut une analyse in concreto de l’employabilité.
  • Civ. 1re, 5 juin 2024 (n° 23-12.693) : la victime n’est pas tenue de justifier de démarches de reclassement.
⚠️ Attention : Les juridictions semblent dorénavant porter une attention particulière à la capacité restante “théorique” de la victime : la seule inaptitude à l’emploi antérieur ne suffit plus. En cas de doute, l’indemnisation sera partielle, même si la victime est durablement exclue du marché du travail.

3. La non-mitigation remise en cause ?

Le principe de non-mitigation reste affirmé, mais son champ d’application s’est réduit. Le juge ne peut reprocher à la victime de n’avoir pas effectué de recherches d’emploi ou d’avoir refusé un reclassement. Mais la charge de la preuve semble s’être inversée : l’indemnisation intégrale est réservée à la perte de toute capacité de gains – et non plus à la seule perte d’un emploi ou d’un secteur.

« La victime d’un dommage corporel ne peut être indemnisée de la perte totale de gains professionnels futurs que si, à la suite de la survenue du dommage, elle se trouve privée de la possibilité d’exercer une activité professionnelle. » (Cass. crim., 22 mai 2024, n° 23-82.958 )

En pratique, la jurisprudence introduit une forme de « quasi-mitigation » : la victime devra établir par des éléments concrets l’impossibilité de toute reconversion, compte tenu de ses aptitudes, du marché du travail et de sa situation sociale réelle.

⚠️ Le risque existe d’imposer indirectement à la victime de justifier sans cesse son inemployabilité, sous peine de voir l’indemnisation minorée.

4. La preuve de l’impossibilité d’exercer toute activité

  • Classement en invalidité : ne suffit plus. Il faut un examen individualisé.
  • Expertise : le rapport doit préciser la capacité résiduelle, la réalité du bassin d’emploi, les obstacles pratiques à la reprise de toute activité (mobilité, âge, formation…)
  • Parcours post-accident : la preuve des recherches, des refus, ou de l’échec de réinsertion reste utile pour démontrer la réalité économique du préjudice.
  • N’hésitez pas à solliciter des attestations de refus d’embauche, avis de Pôle emploi, et bilans d’orientation, pour étayer la réalité de l’impossibilité de reclassement.
Conseil d’avocat : Faites établir des attestations, bilans d’orientation, refus d’embauche et expertises pour prouver l’impossibilité concrète d’exercer une activité. Ne négligez aucun document pour étayer la demande.

À défaut, l’indemnisation portera sur le différentiel entre le revenu antérieur et le salaire effectivement ou potentiellement accessible dans un emploi compatible avec l’état de la victime.


5. Conseils pratiques pour les victimes

  • Sollicitez une expertise médico-professionnelle précisant non seulement les séquelles, mais aussi l’employabilité réelle (mobilité, formation, niveau d’étude, accès aux transports…)
  • Rassemblez tous les éléments objectifs permettant de prouver l’absence de possibilité de reclassement ou de reconversion réaliste.
  • Conservez la trace des démarches de recherche d’emploi, même infructueuses.
  • N’hésitez pas à solliciter des attestations de refus d’embauche, avis de Pôle emploi, et bilans d’orientation, pour étayer la réalité de l’impossibilité de reclassement.
  • Si un emploi adapté est retrouvé, l’indemnisation sera limitée à la différence de salaire avec l’emploi perdu, calculée en tenant compte de la capitalisation viagère (intégrant également la perte de droits à la retraite).
Conseil d’avocat : Faites-vous accompagner par un avocat pour articuler chaque preuve et anticiper les arguments adverses sur la capacité résiduelle ou la prétendue possibilité de reclassement.

6. FAQ – Vos questions fréquentes

💬 Qu’est-ce qu’une PGPF ?

Les pertes de gains professionnels futurs (PGPF) correspondent à la perte de revenus subie par une victime du fait de son incapacité à exercer tout ou partie de son activité professionnelle après consolidation de son dommage corporel.

💬 L’inaptitude à son emploi suffit-elle à obtenir une indemnisation intégrale ?

Non, il faut démontrer une impossibilité définitive d’exercer toute activité professionnelle procurant un revenu pour obtenir une indemnisation totale des PGPF.

💬 Le classement en invalidité de 2e catégorie suffit-il à prouver l’inemployabilité ?

Non. Le classement en invalidité par la Sécurité sociale n’emporte pas automatiquement impossibilité de retrouver un emploi, et ne justifie pas à lui seul une indemnisation intégrale.

<🔝 Retour au sommaire

📌 Conclusion

La jurisprudence récente impose une exigence de preuve plus élevée pour être indemnisé intégralement au titre des PGPF. Seule une inemployabilité complète ouvre droit à réparation intégrale. Il est essentiel d’être assisté pour constituer un dossier solide et défendre vos droits.

À retenir :
- L’indemnisation intégrale des PGPF est réservée aux victimes totalement inemployables.
- Le juge n’exige pas de démarche active de reconversion, mais un dossier probant.
- L’expertise médico-professionnelle est centrale.
- Le rôle de l’avocat est décisif pour organiser les preuves et défendre vos intérêts.

Contactez-nous
Nom *
Prénom *
Tél *
E-mail *
Message *
Pour connaître et exercer vos droits, notamment de retrait de votre consentement à l'utilisation des données collectées par ce formulaire, veuillez consulter notrepolitique de confidentialité.