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09/07/2025

Accident de la route : la Cour de cassation encadre strictement l’exclusion du droit à indemnisation

Accident de la route : la Cour de cassation encadre strictement l’exclusion du droit à indemnisation

Rédigé par Maître Quentin Mugnier, avocat associé – Mermet & Associés

En matière d’indemnisation des accidents de la route, deux obstacles majeurs peuvent empêcher une victime d’être indemnisée : la valeur probante du procès-verbal de police et la qualification de la faute commise. Dans un arrêt du 19 juin 2025, la Cour de cassation apporte des clarifications importantes sur ces deux aspects, renforçant ainsi la protection des victimes.
Faits de l'arrêt commenté : Le 19 avril 2014, un motocycliste est victime d’un accident de la circulation avec une voiture assurée par la société Protec BTP. Le procès-verbal de police, rédigé par un agent arrivé après les faits, retient que le motard aurait franchi la ligne médiane. Sur cette base, la cour d’appel exclut toute indemnisation, estimant que la faute de conduite du motocycliste justifie la suppression totale de ses droits. La Cour de cassation censure cette décision, rappelant que l’agent de police n’étant pas présent lors de l’accident, son procès-verbal ne fait pas foi, et qu’il appartient au juge de caractériser une faute ayant contribué à la réalisation du préjudice pour écarter l’indemnisation de la victime.

🔎 Sommaire


1. Procès-verbal de police et absence de force probante

L’un des points clés de l’arrêt du 19 juin 2025 concerne la valeur probante du procès-verbal rédigé par un agent de police judiciaire. La Cour de cassation rappelle que si cet agent n’a pas assisté directement à l’accident, son procès-verbal ne fait pas foi jusqu’à preuve du contraire concernant les circonstances ou la responsabilité des conducteurs.

Cette précision évite qu’une victime soit privée de son droit à indemnisation sur la seule base d’un procès-verbal établi par un agent n’ayant rien constaté personnellement. Un tel document ne saurait, à lui seul, justifier une décision d’exclusion de garantie par l’assureur ou de rejet du droit à indemnisation par le juge.

🛑 Extrait clé : « Après avoir constaté la matérialisation du point de choc présumé dans le couloir de circulation du véhicule conduit par Mme [L] sur le plan établi par les services de police, l'arrêt retient enfin que les constatations de police faisant foi jusqu'à preuve du contraire, il n'y a pas lieu de tirer de conclusions particulières du fait que le rédacteur du plan n'a pas précisé les éléments de fait sur lesquels il s'est fondé pour localiser l'accident sur le plan. En statuant ainsi, alors que l'agent de police judiciaire n'ayant pas été présent lors de l'accident, le procès-verbal qu'il avait rédigé ne faisait pas foi jusqu'à preuve contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.»
(Cass. 2e civ., 19 juin 2025, n° 23-22.911)

2. Faute de la victime : nécessité d’un lien direct avec le préjudice

La Cour de cassation réaffirme qu’en application de l’article 4 de la loi Badinter, chaque conducteur impliqué a droit à indemnisation sauf s’il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice. Autrement dit, il ne suffit pas de relever la gravité d’une faute de conduite pour exclure tout droit à réparation : encore faut-il démontrer que cette faute a effectivement provoqué le dommage subi.

Cette exigence protège la victime contre toute interprétation extensive de la faute, qui serait déconnectée de la réalité du préjudice.
🔎 Jurisprudence à retenir :
« L'arrêt retient que c'est bien la particulière gravité de la faute de conduite commise par M. [B] qui justifie la suppression totale de son droit à indemnisation du préjudice corporel subi. En statuant ainsi, sans caractériser une faute de M. [B] ayant contribué à la réalisation de son préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » (Cass. 2e civ., 19 juin 2025, n° 23-22.911)
🧾 Exemple concret :
Un conducteur circule avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite autorisée, ce qui constitue une faute pénalement répréhensible. Toutefois, alors qu’il respecte les limitations de vitesse et les règles de priorité, il est percuté par un autre véhicule ayant franchi un stop sans marquer l’arrêt.

Bien que l’état d’ivresse soit une faute, celle-ci n’a aucun lien direct avec la survenance du dommage, imputable à l’autre conducteur. Dans ces conditions, l’alcoolémie ne saurait justifier une exclusion ou une réduction du droit à indemnisation.

3. Impact pratique pour les victimes d’accidents


Pour la victime, deux enseignements concrets à retenir :

  • Le PV de police ne suffit pas à lui seul à établir la responsabilité lorsqu’il n’y a pas de constatation directe.
  • L’assureur ou le juge ne peut priver une victime de toute indemnisation qu’à la condition de démontrer un lien direct entre la faute et le préjudice.
Cela ouvre la voie à des contestations plus faciles face aux refus d’indemnisation abusifs, notamment lorsque l’on cherche à écarter la victime sur la base d’éléments non observés directement ou de suppositions.
Conseil d’avocat : N’hésitez jamais à contester une décision d’assureur qui s’appuie uniquement sur un PV rédigé a posteriori. Exigez que la faute soit prouvée et qu’elle ait bien contribué à votre dommage. Cela est d’autant plus important lorsque les témoignages ne sont pas précis ou divergent : le doute doit profiter à la victime et le droit à indemnisation doit être total lorsque les circonstances de l’accident demeurent indéterminées.

Référence :
Le principe de la réparation intégrale du préjudice en cas de circonstances indéterminées a été formulé à plusieurs reprises par la Cour de cassation : « les circonstances de l’accident étant indéterminées, M. Y... avait droit à l’indemnisation totale de son préjudice » (Civ.2, 14 juin 2007, pourvoi n° 06-15620).

FAQ – Vos questions fréquentes

💬 Un procès-verbal de police fait-il toujours foi en matière d’accident de la route ?

Non. S’il est rédigé par un agent de police judiciaire non présent lors des faits, il ne fait pas foi jusqu’à preuve du contraire sur la réalité de l’accident ou le comportement des conducteurs.

💬 La gravité de la faute suffit-elle à priver une victime d’indemnisation ?

Non. Il faut caractériser que la faute commise a effectivement contribué à la réalisation du préjudice pour exclure le droit à indemnisation.

💬 Que faire si l’assureur refuse l’indemnisation sur la base d’un procès-verbal contestable ?

Vous pouvez contester la décision et exiger une analyse complète du dossier. Si le procès-verbal a été rédigé sans témoin direct ou repose sur des éléments incertains, le doute doit bénéficier à la victime. Il est recommandé de se faire assister par un avocat pour défendre efficacement vos droits.

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📌 Conclusion

L’arrêt du 19 juin 2025 sécurise les droits des victimes face aux refus d’indemnisation abusifs et impose au juge de motiver rigoureusement toute exclusion. En cas de litige, la vigilance sur ces deux points majeurs s’avère déterminante pour garantir l’indemnisation intégrale du préjudice corporel.

À retenir :
- Un procès-verbal rédigé par un agent non témoin ne fait pas foi jusqu’à preuve du contraire.
- Seule une faute en lien direct avec le préjudice peut exclure l’indemnisation.
- Les victimes disposent désormais d’arguments renforcés pour contester les décisions d’assureur.
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