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27/06/2025

Résolution par notification et caducité automatique : la Cour de cassation tranche une articulation redoutable

Résolution par notification et caducité automatique : la Cour de cassation tranche une articulation redoutable Résolution par notification et caducité automatique : la Cour de cassation tranche une articulation redoutable

Rédigé par Maître Quentin Mugnier, avocat associé – Mermet & Associés

Par deux arrêts rendus le 5 février 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur un point délicat : la résolution unilatérale d’un contrat par notification peut-elle entraîner la caducité d’un contrat interdépendant, sans débat contradictoire ? Réponse : oui. Une solution logique sur le plan juridique, mais lourde de conséquences pratiques.

🔎 Sommaire


1. Un ensemble contractuel, des contrats liés

Dans la vie économique, il est fréquent qu’une opération repose sur plusieurs contrats signés entre des parties différentes, mais formant une seule et même opération commerciale. On parle alors d’ensemble contractuel. Ces contrats peuvent avoir des objets différents — fourniture, maintenance, financement — mais sont interdépendants car ils poursuivent un but commun.

Exemple concret : une société conclut avec un fournisseur un contrat de fourniture d’un logiciel de gestion. Pour financer cette acquisition, elle souscrit en parallèle un contrat de location financière avec un bailleur (souvent une société de crédit-bail). Les deux contrats sont signés le même jour, pour le même projet. Si le logiciel n’est pas livré ou ne fonctionne pas, le contrat avec le fournisseur est résilié… mais l’entreprise continue à recevoir des factures du bailleur, alors même qu’elle ne peut pas utiliser le bien. Cette situation est absurde.

Pour éviter cela, l’article 1186 du Code civil prévoit que lorsqu’un contrat disparaît et que son exécution était déterminante pour une autre convention, cette dernière devient caduque de plein droit, à condition que le contractant ait eu connaissance de l’opération d’ensemble. On considère alors que l’ensemble contractuel s’effondre en cascade.

La jurisprudence applique ce mécanisme dans de nombreux domaines : informatique, automobile, équipements industriels, etc. Le problème posé ici tient à la façon dont cette disparition peut être provoquée : par une simple notification unilatérale, sans décision du juge, ni débat contradictoire…


2. L’affaire tranchée par la Cour de cassation

Deux litiges similaires concernaient des contrats de location financière liés à un contrat d’exploitation. Les locataires ont résolu unilatéralement le contrat d’exploitation (maintenance ou logiciel) sur le fondement de l’article 1226 du Code civil, puis notifié la caducité du contrat de location financière.

Les fournisseurs n’ayant pas contesté ces résolutions, les bailleurs ont poursuivi les locataires pour loyers impayés. Les Cours d’appel ont rendu des décisions divergentes. La Cour de cassation a tranché en faveur de la caducité automatique.


3. Une articulation brutale entre résolution et caducité

La Cour décide que la résolution par notification suffit à entraîner la caducité du contrat lié, même si le fournisseur n’est pas présent à la procédure.

⚖️ Extrait de l’arrêt :
« La résolution par voie de notification est opposable à celui contre lequel est invoquée la caducité d'un contrat, par voie de conséquence de l'anéantissement préalable du contrat interdépendant, sans qu’il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu » (Cass. com., 5 février 2025, n° 23-23.358)

4. Le bailleur, victime collatérale ?

Le bailleur, bien qu’étranger au contrat résolu, est directement impacté. Il ne peut pas contester la résolution et n’a aucun moyen de s’y opposer si le fournisseur reste inactif. Ce phénomène est qualifié de caducité pathologique par la doctrine : un contrat disparaît à cause d’une résolution non vérifiée.


5. Quelles solutions pratiques ?

Pour éviter ce type de situation, des clauses contractuelles peuvent être insérées :

  • Imposer une mise en demeure collective à tous les cocontractants avant résolution ;
  • Prévoir une clause de résolution judiciaire obligatoire ;
  • Créer une action interrogatoire obligeant le fournisseur à réagir à la notification.
💡 Conseil d’avocat aux locataires :
Avant de cesser tout règlement au titre d’un contrat de location financière lié à une prestation, adressez une mise en demeure au fournisseur défaillant en précisant les manquements reprochés.
En cas d’absence de réponse ou de persistance de l’inexécution, notifiez formellement la résolution du contrat d’exploitation conformément à l’article 1226 du Code civil. Cela permet de sécuriser juridiquement la notification de caducité adressée ensuite au bailleur.
💡 Conseil d’avocat aux bailleurs :
Dès qu’une caducité est invoquée, vérifiez si la résolution du contrat interdépendant a été valablement mise en oeuvre (mise en demeure préalable, notification conforme, manquements réels).
Si vous estimez que la résolution est fautive ou irrégulière, envisagez une action en responsabilité contre le fournisseur.
À retenir :
Sans clause spécifique, la résolution par notification peut entraîner la disparition automatique d’un contrat lié. Une rédaction contractuelle rigoureuse permet d’en maîtriser les effets.

6. FAQ – Vos questions fréquentes

💬 Faut-il mettre en cause le fournisseur pour invoquer la caducité ?

Non. La Cour considère que la résolution par notification suffit, sans qu’il soit nécessaire de mettre en cause le fournisseur.

💬 Un bailleur peut-il contester la résolution prise par le locataire ?

Non. Le bailleur n’a pas qualité pour agir contre une résolution qu’il n’a pas subie personnellement.

💬 Peut-on encadrer contractuellement la résolution unilatérale ?

Oui. Il est recommandé de prévoir une clause de coordination contractuelle dans les ensembles contractuels.

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📌 Conclusion

La Cour de cassation confirme une lecture stricte du droit : la résolution unilatérale produit des effets automatiques sur les contrats interdépendants, sans que le bailleur puisse intervenir.

Le contrat devient l’unique bouclier pour encadrer les effets en cascade. En l’absence d’anticipation, les conséquences peuvent être considérables.

👉 Vous envisagez ou êtes confronté à une résolution unilatérale ou à une caducité en cascade ?
Prenez contact avec le cabinet Mermet & Associés pour sécuriser vos démarches.

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